Petite réflexion sur les réseaux sociaux

Les réseaux sociaux, de la théorie à la pratique actuelle sur le web.

Introduction :

Depuis plus de trente ans, les réseaux sociaux tentent de trouver leurs marques sur le web. Le concept de réseau social sur internet peut paraître paradoxal, kafkaien même. De par sa nature de réseau interconnecté, Internet et le Web en général a un squelette social.

Mais depuis une dizaine d’année, l’explosion des réseaux sociaux est incontestable et change l’utilisation que l’on a du web. Le sujet d’étude portera donc ici sur les sites spécialisés dans les réseaux sociaux, à l’instar du célèbre Facebook, mais aussi d’autres moins connus comme Sixdegrees.

Nous nous intéresserons dans un premier temps aux différentes théories fondatrices des réseaux sociaux virtuels, puis un inventaire rapide des différents types de réseaux existants accompagné d’un très bref historique. Nous tenterons alors dans notre seconde partie de voir quelles applications en ont découlées ; Leurs relations en tant que sociétés concurrentes, les conséquences pour l’utilisateur et enfin les risques et les controverses déjà présentes et à venir.

La théorie des réseaux sociaux.

La théorie des réseaux sociaux virtuels.

Les théories fondatrices sont au nombre de quatre : La LongTail est une théorie apparue en 2004 et utilisée aussi en référencement expliquant comment un ensemble de produits ou de pages internet peuvent collectivement rapporter plus de visiteurs qu’un produit « phare » ou en comparaison d’une page parfaitement référencée et connue du public. Cette théorie est particulièrement utilisée pour les sites sociaux servant aussi de plateforme d’e-commerce (exemple : Amazon, mais aussi Linkedin et Wikipedia).

La seconde théorie est l’alliance de la loi de Metfalfe et de Reed. Elle est particulièrement exploitée par Facebook, premier site de réseau social en ligne. La première loi démontre que l’intérêt d’un réseau croit proportionnellement au nombre de ses membres, alors que la seconde tend à prouver qu’un non membre sera aussi sujet à l’intérêt suscité par le réseau. C’est ainsi que les personnalités, l’humour quotidien et les sujets sociaux sont particulièrement virulent sur Facebook, et beaucoup de membres se trouvent à avoir dans leur « amis », c’est à dire leur « groupe d’intérêt », des gens qu’ils ne connaissent pas réellement.

La troisième, et la plus célèbre, et celle du « small world » impliquant qu’un individu n’est séparé au maximum d’un autre que par 6 interactions ( 5,2 pour être précis ). Les contraintes du monde réel tel que la géographie, la langue, et les marqueurs sociaux, peuvent être atténués voir supprimés par le Web. Très chère au réseau social de Google, elle y est directement visible par le système de « Cercles » mis en place sur GooglePlus.

La dernière théorie découle d’une étude comportementale exposant en trois nombres les agissements des internautes sur les réseaux sociaux : Nommée «  Loi des médias participatifs ». Elle stipule que un pour cent des internautes publie du contenu, que dix pour cent commentent, et que le reste ne fait que visualiser. Cette dernière théorie est le cœur de construction des réseaux Twitter, Instagram ou Facebook.

Les différents types de réseaux sociaux.

Par effet de hallo, l’image que l’on se fait d’un réseau social est généralement celui du plus populaire, du plus médiatique. Nous allons affiner notre grille de lecture en listant et illustrant plusieurs catégories.

Les généralistes : Les discussions quotidiennes et les sujets communs ( loi de Metfalfe et de Reed ) en sont le moteur, à l’image de Facebook et MySpace. On peut aussi y inclure GooglePlus, bien que ce dernier jongle avec le socio-professionnel. Twitter s’intègre aussi dans cette catégorie, utilisant le système du micro-blogging. La plupart sont ouvert à un public très large, mais certains peuvent se différencier par leur potentiel de partage ( MySpace met en avant le partage de musique ) ou même par leur classe d’âge.

Les sociaux-professionnels : Linkedin est le leader mondial, Viadeo lui faisant concurrence, particulièrement sur le web francophone. Ils ont pour but la mise en relation entre les différents agents du marché, principalement le développement de liens entre entrepreneurs. La théorie privilégiée étant celle du LongTail.

Les médiatiques : Flickr ( photos ), Youtube ( vidéos ) sont des sites proposant des services de stockage et partage de fichiers multimédia, mais incluent une personnalisation avancée du profil suffisamment élaborée pour être considéré comme des réseaux sociaux, ou tout du moins des compléments. Par exemple, YouTube propose la synchronisation de son compte avec celui de Google Plus, et Flirk le partage simultané avec Facebook. Ils portent la promesse d’être « tendance » éternellement, ce que seul YouTube par sa position de monopole semble assurer. L’équilibre entre la liberté créative et la censure (individuelle, de droit ou économique) y est souvent aussi fragile que les bulles financières que ces sociétés engendrent.

Nous pourrions segmenter encore le marché avec par exemple les sites de rencontre, les « wikis » parfois considérés comme des sites de réseaux sociaux, mais nous saurons nous montrer assez sage pour éviter autant l’hyper-classification que possible.

Rapide rappel historique des principaux réseaux sociaux.

Le, ou du moins l’un des premiers réseaux sociaux en ligne correspondant à cette étude est Sixdegrees, mais ne saura survire aux années 2000. En effet, en seulement trois ans ( 2003-2006 ), les désormais « géants du social » sont lancés : Linkedin,MySpace,Facebook,Twitter, et YouTube. On peut aujourd’hui rajouter GooglePlus, lancé en 2011, qui connaît un accroissement massif de ses membres mais une participation faible, réseau à l’avenir très incertain selon mon avis.

Pour cette rapide note historique, nous signalerons deux événements :

La chute de MySpace en parallèle du succès retentissant de Facebook d’une part, et de l’autre la chute de sa capitalisation boursière malgré son taux de pénétration du marché hors normes (près des trois quarts des internautes). La capacité du F bleu à éviter les scandales politiques et conserver son image détermineront sans doute sa survie en tant que site, ses investissements financiers sa survie en tant que multinationale.

Après ce bref rappel, et avant d’observer la pratique qui est aujourd’hui faite des réseaux sociaux, il est nécessaire de rappeler que le « réseau social » tel que présenté dans cette étude n’est que la forme actuelle de l’utilisation faite de l’Internet par ses utilisateurs. Les communautés, forums, blogs, abonnements rss sont plus anciens que les sites de réseaux sociaux. L’idée de consacrer des sites à l’échange social n’est donc pas récent, les sites de réseaux sociaux actuels sont simplement basés sur de nouveaux modèles. Le terme réseau social est donc plus un statut de privilège qu’une réalité structurelle.

Cette nuance est importante, car nous verrons que la pratique diffère souvent de la théorie, car cette dernière ne peut prendre en compte les intérêts de chacun des acteurs.

La pratique actuelle des réseaux sociaux dans le Web.

Un géant ça va, deux…

En pratique, les géants du web social sont généralement placés dans une situation instable : Deux sociétés sont souvent en même temps en concurrence et en alliance. Il s’agit de ne surtout pas faire « déménager » l’utilisateur d’un site à un autre, mais de le persuader qu’utiliser les deux lui est profitable. Ainsi, il est possible de « tweeter » via une publication Facebook, de synchroniser des comptes Hotmail pour chercher des nouveaux contacts dans Facebook, etc. Cet accord de non-agression ne bénéficie en réalité qu’aux entreprises et nullement à l’utilisateur : La récolte de data par les deux parties en font des aspirateurs à données personnelles partagées des plus inquiétants.

Ces sociétés sont souvent plus amies que ennemis, la concurrence réelle reste rare, la tendance étant plutôt à conforter sa position de mastodonte du big data que de prétendre atteindre le monopole de la virtualisation des données. On notera l’exception des passes d’armes actuelles entre Google et Facebook. Cette respectueuse concurrence de façade cache des alliances au sein de la Silicon comme par exemple entre Facebook et Microsoft-Bing.

Cette situation née de l’effondrement de la « bulle » et cette volonté de stabilité économique par non-agression n’est bien évidemment pas sans conséquence chez l’internaute.

Un changement ressenti par l’utilisateur.

L’explosion récente des réseaux sociaux change la donne sur l’expérience du web par l’utilisateur. On voit ainsi apparaître des logiciels dédiés (Instagram), voir même d’intégration au sein des systèmes d’exploitation (Windows8), ou de la dépendance psychologique souvent présente dans les réseaux sociaux généralistes. L’utilisateur ressent une évolution dans le monde du web, et donc de son comportement. L’arrivée des supports tel que les tablettes tactiles, la généralisation des smartphones, la 3G/4G, épouse ces systèmes et facilite le partage de données de la vie quotidienne.

Ces nouveaux supports, combinés aux sites sociaux rassemblant différentes technologies et les rendant accessible à un large public, n’a jamais rendu le partage aussi facile d’accès. On notera aussi que les publications sur les réseaux sociaux diffèrent des précédentes en ce qui concerne le partage de fichiers multimédia : L’inscription à un site de réseau social a souvent un effet psychologique suffisamment important pour décourager un éventuel internaute malhonnête de proposer un lien de téléchargement illégal. Loin donc l’anonymat, le web profond ou les solutions de partage peer-to-peer, bien connues pour la grande quantité de données illégales ou…pour éviter la censure.

Les nouvelles générations découvrent de plus en plus Internet à travers les réseaux sociaux, et par effet de halo souvent méconnaissent l’immensité du web. A l’inverse de la génération précédente, ces nouveaux internautes découvrent Internet dans un cadre plus délimité, plus surveillé, plus aisé aussi, mais où déposer sa vie privée est la norme. Une vie privée qui se doit cependant d’être légale et politiquement correcte, au risque de subir le rejet social ou l’application des conditions d’utilisations. Vous savez, ce pavé rédigé spécifiquement pour que vous l’acceptiez sans le lire.

Les réseaux professionnels ont aussi un grand impact : De par l’obligation -et la nécessité- d’inscrire sa véritable identité, les internautes deviennent de plus en plus prudents sur l’image qu’ils reflètent : Le CuriculumVitae est souvent dépassé pour bien des employeurs : Un profil Facebook ou un portofolio sera plus révélateur sur la personne intéressée. La web-réputation devient potentiellement un enjeu de carrière. Le risque ici est de réserver l’exclusivité du véritable nom au domaine professionnel, au dépens des autres passions de l’individu qui n’osera plus forcément mettre son nom sous une publication de poésie, d’avis d’article ou encore de pétitions.

Toutes ces problématiques, de l’anonymat, de la vie privée, ou encore de la collecte et la revente d’informations déstabilise le monde du web et, plus généralement, inquiètent.

Enjeux politiques, controverses et contrecoups.

La construction d’un immense réseau social revient à la collecte d’une immense base de données personnelles. Les règles concernant la confidentialité sont souvent floues, mal comprises, ou enfreintes sans réaction aucune. La législation varie selon les Etats, selon l’hébergement, et la collecte de données privées, la surveillance, ou la censure sont présents sur les réseaux sociaux plus que n’importe où ailleurs sur le web, sous différentes formes et degrés bien évidemment.

Liberté d’expression bafouée et censure sont quotidiennes en Chine par exemple, mais renforcées par la simplicité qu’offre les réseaux sociaux à l’entretien de systèmes autoritaires. A l’inverse, Facebook comme Google ont pleinement participés à l’organisation des révolutions arabes. Mais encore une fois, l’opposé existe : Des sites comme Wikileaks se sont vu fermés par les Etats Unis, pays où pourtant la liberté d’expression figure dans le première amendement.

Cette situation extrêmement complexe fait naître peu à peu une véritable guerre sur des sujets sensibles comme la vie privée et la liberté d’expression. Le groupe Anonymous, connu pour ces méthodes parfois peu orthodoxes mais aussi pour sa lutte contre la secte de la scientologie, considère que les Etats -parfois démocratiques- et que certaines sociétés utilisent -entre autre- illégalement les réseaux sociaux comme source d’information ou de revenus financiers, tout en appelant en parallèle à une législature plus ferme, et représente donc un danger pour l’Internet libre.

Il ne s’agit pas ici de défendre le piratage ou la copie illégale mais bien de la question de la liberté et de l’anonymat garanti par les Droits de L’Homme et du Citoyen. Où commence, en pratique, la responsabilité et où se termine cette dernière, de l’utilisateur et celle des site du « social network », est une question qui reste encore en suspens.

De l’autre coté de l’Atlantique, des projets de loi comme ACTA ont été rejetés suite à une forte pression engendrée par des organismes tel que Avaaz ou laquadraturedunet. Politique interne et internationale sont donc plus que jamais concernés par cette nouvelle forme d’organisation sociale.

Conclusion :

Originellement conçus pour faciliter le partage et le rapprochement des internautes à travers la métaphore de « village planétaire », les réseaux sociaux en ligne se sont massivement multipliés et complexifiés. Bien qu’en apparence le mariage avec le Web « social » 2.0 se soit passé sans heurts, l’appellation controversé du Web 3.0 est révélatrice des conflits subjacents dans la pratique de ces dits réseaux.

Les abus de surveillance électronique, les problèmes d’éthique ou encore d’usurpation d’identité nous rappellent que la vigilance est le prix à payer pour la liberté. Nous conclurons cette étude par un questionnement sur l’avenir du « social network », qui, à défaut d’être une révolution, est souvent considéré aujourd’hui comme une évolution majeure du Web.

A l’instar de l’effondrement de MySpace, et aujourd’hui de Facebook se présentant de plus en plus comme un géant aux pieds d’argile, il est nécessaire de se demander si la pratique des réseaux sociaux tels que présentés aujourd’hui saura s’adapter aux nouvelles technologies (cloud, HTML5…) et conforter sa position d’organe central d’Internet ou à contrario saura-t-il trouver la sagesse de se faire discret, acceptant la spontanéité de son succès autant que le naturel du web pour plus de complexité ? Saura t-il ne pas enrayer le progrès, et ainsi, à l’image d’une bibliothèque java, se rendre aussi invisible qu’indispensable, dans le respect de l’imaginaire collectif d’un web tourné vers la connaissance?

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